Notre méthode éprouvée : comment éviter les biais en recherche qualitative

15 Avril 2024

Éviter les biais en recherche qualitative est crucial pour comprendre les consommateurs et les individus qu’ils sont, car ces biais peuvent apparaître de diverses manières.

Prenons un exemple concret :

Isabelle Landreville, Présidente et stratège en chef chez Sylvestre & Co., animait un groupe de discussion ayant pour but d’analyser les réactions spontanées à une publicité pour un petit-déjeuner copieux destinée aux ouvriers. Les tensions ont augmenté lorsqu’un participant en costume a commencé à critiquer les ouvriers du bâtiment, les qualifiant d’incultes et de grossiers. Isabelle, remarquant que ce préjugé influençait le groupe, a dû intervenir non pas pour censurer l’homme, mais pour prévenir l’influence de ses préjugés sur les autres.

Maîtriser cette gestion des biais est essentiel pour les modérateurs afin d’obtenir des insights fiables.

« L’objectif est de recueillir des insights précis et pertinents tout en reconnaissant les perspectives et opinions variées des participants », explique Rami El-Khatib, Storyteller chez Sylvestre & Co. « Nous y parvenons en créant un environnement où tous se sentent écoutés et où aucun individu ne domine la discussion. Cela nécessite une gestion active des biais. »

 

Les types de biais possibles pour les animateurs en recherche qualitative

Avant d’explorer des solutions, il est utile de comprendre les différents types de biais :

Il y a deux catégories principales — les biais lors de l’animation et ceux pendant l’analyse.

 

Biais lors de l’animation :

Biais de confirmation : rechercher ou interpréter des informations pour confirmer des hypothèses préexistantes. Un animateur peut inconsciemment orienter les conversations pour prouver des hypothèses qu’il détient déjà.

Biais d’observateur : influencer les réponses par le langage corporel et les expressions faciales. Si un animateur sourit et acquiesce chaque fois que quelqu’un se plaint d’un produit, cela pourrait fausser les perspectives. Les animateurs peuvent atténuer cela en adoptant un meilleur langage corporel, un meilleur ton et des expressions faciales plus neutres.

Biais d’une fausse représentation : c’est l’erreur de croire que les réponses qui viennent rapidement à l’esprit reflètent toute la réalité. Par exemple, si un participant évoque un problème, l’animateur ne devrait pas en conclure que ce problème est généralisable sans détenir plus de preuves de la part des autres participants.

Biais de désirabilité sociale : les participants fournissent des réponses qu’ils pensent être les meilleures plutôt que ce qu’ils croient réellement. Ce phénomène est courant lorsque nous abordons des sujets délicats car les gens préfèrent souvent présenter une image favorable d’eux-mêmes. Pour contourner ce biais, les animateurs peuvent tisser un lien de confiance avec les participants, poser des questions qui permettent d’explorer indirectement leurs opinions et éviter d’indiquer quelles seraient les réponses « idéales ».

Biais culturel : les réponses peuvent être mal interprétées à cause des différences culturelles entre les personnes.

Biais de genre : la réticence des participants à s’ouvrir peut-être influencée par le genre de l’animateur, surtout sur des sujets délicats. Par exemple, certains peuvent se sentir plus à l’aise avec un animateur du même sexe.

Biais des questions orientées : poser des questions qui dirigent subtilement les participants vers une réponse spécifique. Par exemple, demander « ne trouvez-vous pas que les publicités avec de vraies personnes sont plus authentiques ? » Les modérateurs doivent organiser prudemment les questions et les sujets pour maintenir l’objectivité.

Stéréotypes : attribuer des caractéristiques à des participants selon leurs âge, sexe ou origine peut biaiser les résultats. Pour éviter cela, il est utile de choisir des participants de milieux variés.

Biais éthique : influencer les discussions en fonction de ses propres valeurs morales et ce même sans en avoir conscience.

Biais d’ancrage : trop se concentrer sur les premières réponses données, ce qui peut empêcher de prendre en compte d’autres opinions qui apparaissent plus tard.

 

Biais dans la rédaction de rapports

Ce type de biais survient pendant la phase d’analyse et de création du rapport.

Inclusion sélective : présenter seulement des citations et des retours positifs, ce qui peut masquer des critiques importantes. Pour éviter cela, les analystes doivent examiner toutes les données, y compris celles qui semblent moins significatives et éviter de mettre en avant les aspects positifs seulement.

Biais de confirmation : accentuer les découvertes qui confirment des idées préconçues.

Biais de généralisation excessive : établir des jugements généralistes à partir de quelques cas seulement. Par exemple, penser que l’opinion d’une mère du Midwest reflète celle de l’ensemble des États-Unis.

Biais culturel : échouer à exprimer correctement les subtilités culturelles qui diffèrent de celles de l’analyste.

Biais linguistique : interpréter incorrectement les réponses à cause d’une maîtrise insuffisante du style de communication des participants.

Biais de récence : se concentrer sur les informations les plus récentes en ignorant les retours antérieurs.

Biais des attentes du client : adapter les rapports pour satisfaire ce que nous pensons être les attentes du client plutôt que de présenter fidèlement les découvertes.

 

Prendre du recul face aux biais

La dernière chose qu’un chercheur souhaite est de risquer de tomber dans les biais de confirmation mentionnés précédemment.

Pour éviter les biais dans nos recherches qualitatives, nous adoptons des mesures préventives efficaces. Mais comment les animateurs et les analystes peuvent-ils garantir l’objectivité ?

L’essentiel pour éviter les biais repose sur la pleine conscience, la confiance en soi et des ajustements réguliers.

Tout commence par la conscience de soi. Comme le dit Isabelle : « reconnaître un problème, c’est déjà résoudre la moitié de ce problème. »

En identifiant les différents biais, les animateurs peuvent organiser des discussions qui minimisent ces influences.

« Avant tout, concentrez-vous sur votre présence physique… Soyez attentif, soyez dans l’instant présent » conseille Isabelle. Surmonter les biais nécessite de se focaliser sur ce qui se passe autour de soi plutôt que sur ses pensées internes.

Il est essentiel pour les chercheurs de se présenter de façon authentique. En ayant confiance en soi et en se concentrant sur l’extérieur, les modérateurs peuvent repérer des signaux subtils émanant du groupe. En adaptant en permanence leur approche à l’atmosphère de la salle et du groupe, les modérateurs peuvent identifier des nuances ou des interactions qui leur donneront davantage d’indications sur les points de vue des participants.

Restez concentré et évitez de vous laisser distraire par vos doutes. Une attention soutenue aux biais combinée à une certaine sérénité favorisera nécessairement des échanges productifs.

Certes, tout le monde ne bénéficie pas naturellement de la confiance en soi. Certains modérateurs la renforcent par la préparation et une méthodologie rigoureuse. D’autres s’appuient sur leurs points forts personnels, comme la capacité de réaction rapide ou la discipline.

« Apprenez à vous connaître », insiste Isabelle. Quand les modérateurs sont bien conscients de leurs forces individuelles et collectives, il leur est plus facile de mettre ces atouts en jeu et de compenser leurs faiblesses.

 

Éviter les biais en recherche qualitative est possible

Finalement, les préjugés non vérifiés prennent souvent le dessus sur la vérité objective. Dès la première rencontre, les hypothèses apparaissent discrètement et peuvent très vite façonner les interprétations. Lorsque ces opinions se figent, il devient alors beaucoup plus complexe d’ouvrir le champ à de nouvelles perspectives.

Chez Sylvestre & Co., nous nous efforçons constamment de remettre en question nos idées préconçues, explique Rami : « la diversité de notre équipe est un atout qui nous aide à combattre efficacement les préjugés que l’on peut avoir. De cette manière, nous apprenons non seulement à identifier les biais qui influencent notre travail, mais également à exploiter la richesse de nos différents points de vue ».

Et cela illustre d’ailleurs bien comment nous nous efforçons en permanence d’éviter les biais dans nos différents projets de recherche. Bien qu’il s’agisse d’un processus d’apprentissage constant, adopter une bonne attitude, être conscient des enjeux et garder un esprit ouvert nous permettent de réduire voire d’éliminer les biais que nous avons vus précédemment. De cette manière, nos mandats de recherche peuvent délivrer des résultats clairs et impactant.

« Je ne pense pas que nous ne puissions jamais être complètement libres de biais », explique Rami. « Cependant, nous nous efforçons de conduire nos recherches qualitatives avec des points de vue plus éclairés et inclusifs. À mon sens, c’est cela qui enrichit nos analyses et les rend plus détaillées. »